À quand le n° 95 d’Hara-Kiri ?

Publié le par Justin Hurle

Hara-Kiri--dernier-numero-hebdomadaireSymbole de la liberté d’expression muselé par la censure, Hara-kiri  Le journal satirique qui, parce qu’il a influencé, durant huit ans, « une jeunesse qui a fait Mai 68 », se voulait bien moins bête et méchant que révolutionnaire. Tourner en dérision le respectable, le politiquement correct dirait-on aujourd’hui, n’était en somme que le point de départ d’une réflexion, non la fin. Aussi se poursuivait-elle autour du zinc et, pourquoi pas, dans la rue. D’où l’idée d’avoir catalysé les mouvements et les manifestations de mai 68.


Les premiers indignés ? Sûrement pas. L’indignation, la colère, ne datent pas d’hier. Journalistes alors ? Assurément... non. Car ces derniers attendaient « le feu vert pour faire de la contestation ». « C’est la contestation permise » nous dit ici François Cavanna. Pourquoi agissaient-ils ainsi, ces journalistes ? Par lâcheté, par crapulerie, par soumission au pouvoir des bien-pensants alors qu’au sein de la rédaction d’Hara-kiri, ils débattaient vivement, passionnément, chaque mercredi, dans le seul but d’être drôle car « on ne peut glisser les choses vaches que par la drôlerie. Sinon c’est sinistre ! »


Contre le sectarisme et, de fait, contre le militantisme ; pour l’esprit critique car « tout est toujours critiquable et rien n’est sacré, rien n’est dit une fois pour toute » ; contre les cons, les cons de naissance et les cons volontaires (« ceux qui ne veulent pas se servir des boyaux d’leurs têtes ! »), l’équipe rédactionnelle n’a donc pas abdiqué devant la censure, en novembre 1970. Ainsi naquit Charlie Hebdo – Charlie... Une référence à Charles de Gaule ? – et Hara-kiri mensuel, de poursuivre sa route jusqu’en 1986.


 

 

Et bien que Philippe Val ait pris la direction de Charlie Hebdo en 1992 pour rejoindre – le comble ! – en 2009, les cons volontaires du pouvoir sarkozyste ; bien qu’un heureux procès ait attribué la paternité d’Hara-kiri et de Charlie Hebdo à François Cavanna (au détriment de Choron) en 2002,  Cavanna ne regrette rien de ces « vingt-cinq plus belles années, plus fiévreuses, plus animées, plus dangereuses (...) de [sa] vie ».  Il nous a non seulement démontré qu’ô combien la liberté de parole se gagne, se conquière, mais encore qu’il est possible de ne jamais abdiquer.

 

 

 

Aujourd’hui, vu le nombre de cons volontaires qui n’œuvrent que par et pour le sacro-saint marché, il nous faut un nouvel Hara-Kiri. Assurément. Mais voilà… le talent ne s’achète pas.


Publié dans InterVieWs

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