2084, un futur plein d’avenir, Compagnie Flash Marionnettes.

Publié le par Justin Hurle

Cette libre interprétation de 1984, l’œuvre la plus aboutie de Georges Orwell, n’était pas sans risque. Et ce d’autant plus qu’elle devait s’adresser à un très jeune public. Alors… le pari est-il gagné ?


L’objectif pédagogique est de taille ! Faire comprendre que la standardisation des esprits, le penser pareil – la pensée unique ! (m’rappelle un truc, ça...) – dont la conséquence est la soumission d’un groupe d’humains à un seul d’entres-eux – ne relève pas d’une fable. Cela ne commence-t-il pas, du reste, par s’habiller avec des frusques de la même marque que celle portée par nos copines et copains ?  

Et la normalisation des esprits, de s’échafauder insidieusement via une langue toujours plus saccagée, étriquée, raccourcie ; la pensée ne s’exprimant que par codes, sigles, initiales... des appellations d’origine contrôlée (par qui ?).


À cet objectif éducatif ambitieux, moyens... élevés ?


Des marionnettes. Rien ne vaut un spectacle de marionnettes pour attirer l’attention des plus jeunes comme des plus vieux. Pour les premiers, il est, à leurs yeux, davantage question d’un spectacle, d’une farce, que d’un temps éducatif ; les seconds, de nostalgie bienfaisante. L’outil, la marionnette, est plutôt approprié – et ce d’autant plus qu’on imagine déjà le marionnettiste l’agitant, la manipulant à souhait, pour son bon plaisir. Rien de mieux qu’une marionnette donc, pour traiter de la manipulation.

 

Qu'en est-il de la langue ?


La langue y est si codifiée dans les scènes jouées par les robots, qu’on n’en perd facilement le sens. Ainsi, le public, devant un langage dépourvu de sens, se trouve un tantinet… perdu. Plutôt bien vu, à la condition de reprendre cela avec les plus jeunes. « Voyez comment nous sommes largués quand vous écrivez vos textos de cette manière ! Voyez comment vous seriez perdus si jamais vos maîtresses et maîtres vous parlaient qu’avec des sigles ! Nous pourrions vous dire n’importe quoi ! Et vous, de nous écouter sans jamais pourvoir nous contredire… »


Et Mozart… Mozart traverse le spectacle comme sa mélodie traverse les siècles. Il se voit dépouillé de ses habits, de sa musique, de son art. L’exception, la singularité, le talent s’effaçant devant le commun, la règle, l’uniformisation, le restrictif. La paresse, la sieste, la balade moins que le travail, le profit et… la délation. Big Brother n’est possible que parce que les voisins dénoncent. Le débat politique s’instaure, évidement. Pas facile de le faire comprendre à un jeune public... Désormais, dans la mallette pédagogique de l’adulte, se trouve 2084. Je m’en réjouis ! Car il est possible de leur faire découvrir (déconstruire, surtout) un thème récurent en politique : la domination de la majorité par quelques uns. Marrant, d’ailleurs, que la compagnie Flash Marionnette soit conventionnée par le Ministère de la Culture (via la DRAC d’Alsace) ! J’entrevois soudain un futur plein d’avenir.


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X’itler, Adolph X’itler attendant son heure…

 

Texte : Philippe Dorin

Mise en scène, musique : Ismaïl Safwan

Jeu : Vincent Eloy, Vanessa Rivelaygue, Marie Seux

Marionnettes : Michel Klein

Scénographie : Fabienne Delude

Son, régie : Pascal Grussner, Medhi Ameur

Costumes : Ritaï assistée de Keiko Mori

Peinture, accessoires : Jaime Olivares

 

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Publié dans SpectaCles

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