Une belle vue

Publié le par Justin Hurle

Il est de notoriété publique, en effet, à la grand' ville, qu'un poète cause beaucoup et l'ivrogne boit sans mesure. Or, n'est-ce pas un peu oublier que l'poète s'enivre aussi ? Et quand ce dernier boit démesurément, l'ivrogne parle encore plus.


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Angers (49) © C. A.


La nuit, l'pochard n'avance plus. Il stoppe. Et dit : « J'ai trop bu... ». Puis ouvre l'œil,  lève la tête, il fait nuit ! Être sous l'emprise d'sa bouche le dispense de vieillir. Un temps. Car la gueule de bois le rattrape. Soumis à la dure loi d'l'économie, tu taffes jamais assez ou si jamais tu taffes pas, t'es qu'un feignant assisté par l'allocation. Tu coûtes cher aux travailleurs ! Et les travailleurs, c'est bien connu, n'rendent pas compétitifs leurs boîtes, avec les salaires démesurés qu'ils touchent.  

 

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Angers (49) © C. A.


Travailleurs qui, du reste, se paient l'escalier à défaut d'ascenseur social, boivent leurs soûls pour causer, r'faire le monde histoire d'oublier 1789, la Commune de Paris, 68... Du coup, l'pochard s'traîne le soulier sur le pavé angevin. Faut bien rentrer ! Mais où ? Sa femme s'est barrée avec les gosses et lui, a des trous comme ça dans ses chaussettes.


Nous sommes tous des spermatozoïdes gagnants !

Il trouve un joli coin. Une belle vue ! Déroule sa couverture, ôte ses souliers, les pose près de lui, bien rangés, et s'y enroule. Sort de son sac miteux une bouteille entamée de moitié, la vide. Il regarde la lumière de la rocade, la lune, la lumière de la rocade, la lune...


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Angers (49) © C. A.


La journée des labeurs, terminée. Les uns causent, les autres boivent. Et le lendemain est à l'image du précédent. Jusqu'au soir venu.

Cette fois-là, l'poète rentre chez lui. Ou peut-être se balade-t-il...

En chemin, il aperçoit l'pochard. Il l'entend causer tout seul, dire qu'il a trop bu. Et murmurer : Une belle vue ! Puis il le regarde dérouler sa couverture, ôter ses souliers, les poser près de lui, bien rangés, et s'enrouler dedans. Une bouteille entamée de moitié, rejoindra vite les trois autres, vides. L'poète lorgne alors la lumière de la rocade, la lune, la lumière de la rocade, la lune...

 

 

Publié dans pOèmes d'nOut' temps

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